HistoiresItshak Nabet

Visite chez le Premier Ministre

par Itshak Nabet

Comme nous l’avons dit dans le Dvar Torah, Lorsqu’on veut, on peut. Si une personne désire sincèrement atteindre les buts qu’elle se fixe, rien ne peut l’en empêcher, même pas les gardes du corps du premier ministre d’Israël. Comme l’illustre cette très belle histoire tirée du livre Des Récits et des Hommes (volume trois) écrite par Haïm Walder :

Mon épouse et moi sommes de vieux Hiérosolymites qui allons tous les jours au kotel. Ce que je vais vous raconter ne s’est pas passé au Kotel mais chez le premier Ministre, Itshak Chamir.

Qu’ai-je à faire avec le premier ministre?
Vous allez tout de suite le savoir.

L’épisode que je veux vous narrer remonte à une trentaine d’années, après que le facteur de notre quartier, de Méa Chéarim, eut été renvoyé. Tout le monde l’aimait bien chez nous. Il était aimable et n’hésitait pas à monter les étages pour vous porter votre courrier à domicile.

Or voilà qu’un beau jour, on le met à la porte sous prétexte qu’au lieu de remettre une lettre à son destinataire, il l’a détruite. Tout le quartier était en émoi à la suite de ce renvoi. J’ai longuement réfléchi au problème pour arriver à la conclusion qu’il fallait agir.

Un matin après la prière, je déclare donc à ma femme :

« Viens, nous sortons.

-Pour aller où ?

-Quelque part. » Je ne veux pas lui révéler le but de notre promenade car elle y opposerait son véto.

Nous descendons et j’arrête un taxi. « Chez le Premier Ministre. » dis-je au chauffeur.

Il nous lance un regard en biais et mon épouse me demande : « Qu’est-ce que tu lui veux, au Premier Ministre?»

-Patience, tu verras.

Et je répète au taxi : « Conduisez- nous chez lui, Rehov Azza ou quelque part par là.

Lorsque nous arrivons, je déclare au chauffeur : « Je ne fais que monter dire quelques mots à Itshak Chamir et je redescends. »

-Si vous réussissez à entrer, je vous tire mon chapeau et vous ramène chez vous gratis.

-Je ne pense pas vraiment entrer; je veux juste échanger quelques mots avec le Premier Ministre.

-Mon bon Monsieur, vous n’allez ni entrer ni échanger un seul mot. Vous pouvez me croire…Pire, si vous parlez avec lui, je suis à votre service jusqu’à la fin du mois !

Mon épouse lui lance : « On voit que vous ne connaissez pas mon mari ! »

Je m’avance vers la grille d’entrée et lui donne une bonne secousse. Immédiatement, deux gardes bien musclés font leur apparition :

-Que voulez vous ?

-Je voudrais parler au Premier Ministre.

-Vous cherchez des ennuis ? me disent-ils.

A cet instant précis, l’ouverture électronique se déclenche pour laisser passer un véhicule. J’en profite pour me glisser à l’intérieur. Les deux gardes se précipitent pour nous barrer le chemin : « Vous n’avez pas le droit d’entrer ici. C’est la résidence du Premier Ministre. » Deux autres gardes, avec de petits écouteurs dans les oreilles, s’approchent à leur tour.

-Avez-vous rendez-vous ? Me demande l’un d’eux.

-Je suis juste venu confier au Premier Ministre quelque chose d’important.

Le poste émetteur du gardien fait entendre un bip-bip et une voix demande : « Que se passe-t-il ? »

-Il y a là un couple d’un certain âge qui s’est mis en tête de parler avec Chamir Je les renvoie ?

Un petit peu un retrait, un homme observe la scène. Voyant que les gardes commencent à nous repousser, ce conseiller intervient : « Un instant, je voudrais savoir ce qu’ils désirent. » Je lui explique brièvement ce qui nous amène ici et il nous dit : « Attendez ici, je vais voir ce que je peux faire. »

Nous attendons devant la porte tandis que l’homme grimpe au premier étage. De loin, le chauffeur de taxi nous interroge par signes : « Que se passe-t-il ? » Je lui réponds que tout va bien.

Au bout de quelques instants, l’homme nous invite à le suivre. Un garde nous demande nos papiers. Nous montons derrière le conseiller. Le Premier Ministre a une fort belle maison. Puis on nous fait entrer chez Itshak Chamir. Il nous reçoit sans façon, en chemise, sans cravate, et nous demande : « Que me vaut l’honneur de votre visite ? »

-C’est au sujet du facteur de Méa Chearim. Il a été renvoyé. Comme vous êtes le Premier Ministre, vous pouvez sûrement le rétablir dans ses fonctions.

-Je ne m’occupe pas des facteurs, répond-t-il en souriant. A part cela, ceux qui l’ont renvoyé savaient sans doute pourquoi.

-Vous croyez ? lui dis-je. Eh bien écoutez ce que je vais vous raconter. Ensuite vous déciderez vous-même. »

Je commence donc à lui raconter. Notre facteur a plus de soixante ans. Cela fait plus de trente cinq ans qu’il distribue le courrier à Méa Chearim de façon exemplaire.

Dans notre rue vit un couple de gens âgés qui sont restés sans enfants durant de longues années. Il y a quarante ans, alors qu’ils avaient quarante deux ans, ils ont eu un fils. Fous de joie, ils l’ont gâté, sans doute plus que de raison, et, en fin de compte, l’enfant a mal tourné. Au début, il traînait dans les rues, puis il a cessé de mettre les téfilines… Il ne cessait d’attirer des ennuis à ses parents.

Après s’être embrouillé dans une affaire malhonnête, il s’est enfui en Amérique. De là, il envoyait des cartes postales à ses parents leur racontant qu’ il réussissait bien aux USA. Il prétendait aussi être revenu au judaïsme, avoir ouvert une affaire florissante… Bien entendu, les parents étaient très fiers de leur fils repenti. Tous le voisinage se rassemblait pour entendre et lire ces lettres racontant l’extraordinaire réussite du fils. Personne ne demandait pourquoi il ne venait pas voir ses vieux parents, pourquoi il ne se mariait pas.

Pourquoi ne posait-on pas ces questions ? Parce que nous connaissions la réponse : le fils n’avait pas fait Téchouva ! Et le seul travail qu’il exécutait, c’étaient les corvées dans la prison où il était incarcéré. En effet, peu de temps après son arrivée aux Etats-Unis, il avait été condamné à la prison à perpétuité après avoir commis plusieurs graves délits. Nous tenions ces détails d’un résident de Méa Chéarim qui, au cours d’un séjour en Amérique, s’était intéressé au sort du jeune homme. Comme il n’y a pas de secrets à Méa Chéarim, le sort du fils était connu de tous. Mais personne n’aurait songé à apprendre la vérité aux parents dont la seule joie était les lettres de leur fils bien-aimé.

Cette situation dura de nombreuses années. Tous ceux qui revenaient des Etats-Unis avaient soin de ramener des lettres du fils, et même parfois des cadeaux pour le vieux couple, « de la part du fils ».

Les années ont passé. Les parents prirent de l’âge. A l’occasion, la maman laissait échapper en soupirant : « Dommage qu’il soit si occupé et qu’il ne puisse pas venir nous voir. ». Lorsqu’elle quitta ce monde, ses derniers mots étaient : « remerciez de ma part mon fils pour tout le bonheur qu’il a apporté dans ma vie. » Le père a continué à recevoir des lettres et à s’en réjouir. Puis il tomba à son tour malade. Il était mourant lorsqu’une lettre officielle des autorités américaines est arrivée, annonçant le décès de leur fils. Celui-ci avait trouvé la mort au cours d’une rixe dans la prison.

La lettre est arrivée entre les mains de Touvia, notre cher facteur. Dès qu’il a vu l’adresse de l’expéditeur, il décida de l’ouvrir avant de la remettre à son destinataire. « Tout de suite après avoir pris connaissance de son contenu, il a saisi son briquet et, sans hésiter, a brûlé la missive.

Une estafette de police patrouillant par là l’a aperçu et arrêté pour destruction d’objets postaux. Le lendemain, on lui a signifié son renvoi.

« Voilà la fin de l’histoire…nous sommes venus, moi et ma femme, pour vous la raconter. Si vous pensez que le geste du facteur était justifié, essayez de le rétablir dans ses fonctions.

A ma stupéfaction, je remarque que le Premier Ministre a les larmes aux yeux, ainsi que son conseiller. « Je vais donner des ordres en faveur de votre facteur. » Puis il ajoute en me donnant une tape sur l’épaule : « Vous avez un grand cœur, merci d’être venu me voir. »

Nous sortons de la résidence et découvrons le chauffeur de taxi encore là à nous attendre. Stupéfait de nous avoir vus une demi-heure chez le Premier Ministre, il nous donne son numéro de téléphone pour nous promener gratuitement.

Dès le lendemain, le facteur était de retour dans le quartier. Il a raconté à tout le monde que son patron était venu très tard dans la soirée pour qu’il reprenne ses fonctions. Le Premier Ministre serait même intervenu personnellement dans cette affaire.

Lorsqu’on veut, on peut…

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