HistoiresItshak Nabet

Le Cœur de la vérité

par Itshak Nabet

Comme vous l’avons expliqué dans le Dvar Torah, la période du Omer représente une préparation au Don de la Torah. Et c’est pour cela qu’il convient d’essayer de se parfaire. Il faut pour cela réfléchir à ce que l’on peut améliorer. Bien souvent, nous avons l’impression que notre entourage se comporte mal à notre égard. Le travail de ces sept semaines consiste à vérifier si le problème ne vient pas de nous, comme l’illustre cette histoire tirée du livre Le Maguid de Jerusalem.

Rabbi Shmouel Salant (1838-1909), qui fut Rav de Jérusalem pendant plus de trente ans, était réputé pour sa brillante érudition en matière de Torah, mais aussi pour sa façon très originale d’affronter les problèmes difficiles. En voici un exemple.

A Jérusalem, un jeune homme s’était marié quelques jours avant Pessah, et comme le veut la coutume de nombreuses familles, sa femme et lui devaient passer le Yom-Tov chez sa belle famille. En Israël, les juifs ne célèbrent qu’un seul seder de Pessah, (contrairement à la diaspora où ils en célèbrent deux), et l’impatience était à son comble avant cette première nuit de Yom-Tov.

Chez ses beaux parents, les tables avaient été magnifiquement dressées, et chacun arborait ses plus beaux vêtements, y compris le ‘hatan (le marié), qui portait son nouveau shtreimel (chapeau rond en castor, que portent beaucoup de ‘hassidims et de juifs de Jérusalem les jours de fêtes et le chabbat). Le Seder commença, et tout se déroula sans incident. Les enfants récitèrent le « Ma Nishtana », on lut la Haggadah, et on mangea la Matsa et le Maror. Puis le repas fut servi. Mais le ‘hatan remarqua soudain un grain de blé qui flottait dans sa soupe.

Il fut terriblement choqué! Un grain de blé dans de la soupe chaude c’était à l’évidence du ‘hametz, une violation flagrante de la fête! Comment pouvait-on servir du ‘hametz dans la maison de sa belle-mère ? Il avait toujours cru que sa belle famille était très pratiquante, et il avait maintenant la preuve qu’ils étaient loin d’être stricts.

Il ne put cacher sa déception, et ses voisins de tables commencèrent à se demander à haute voix comment ce grain de blé avait bien pu arriver dans la soupe. La belle-mère était très humiliée, car elle était très méticuleuse dans ses préparatifs de Pessah. Comment pouvait-il y avoir de ‘hametz dans la nourriture qu’elle avait préparé avec tant de soin ? Les autres aliments n’en devenaient-ils pas suspects ? L’ambiance de la soirée fut gâchée. On acheva le Seder, puis chacun se leva de table, dans un silence résigné.

Le lendemain matin, à la synagogue, après la prière, Rabbi Shmouel Salant demanda innocemment au beau-père ; « Alors, comment vont les jeunes mariés ? » Celui-ci ne put dissimuler sa gêne. Le Rav lut dans ses yeux qu’il y avait un problème.

Rabbi Shmouel vint alors trouver le ‘hatan. « Comment se passe le Yom-Tov ? » demanda-t-il attendant du jeune homme quelques éclaircissements sur la situation. Le ‘hatan baissa les yeux et dit sans conviction ; « Tout va bien ». Mais sa déception était évidente. « Mais que se passe-t-il ? » demanda Rabbi Shmouel, s’adressant a la fois au ‘hatan et a son beau père.

Il apprit bientôt comment, à la plus grande gêne de tous, on avait trouvé un grain de blé – du ‘hametz – dans la soupe du ‘hatan. Le Rav écouta attentivement et dit tout à coup : « Vite, sortez tous les deux de la synagogue, immédiatement. »

Le Rav sortit avec eux et demanda qu’on lui apporte un chiffon. Le vieil homme et son gendre se regardèrent avec surprise.

« Et maintenant donnez-moi votre shtreimel » dit le Rav au jeune homme.

Rabbi Shmouel Salant prit alors le shtreimel et commença à le frotter vigoureusement avec un chiffon. Au grand étonnement de ceux qui les entouraient, deux grains de blé tombèrent de la lisière du shtreimel.

Quand les grains tombèrent a terre, Rabbi Shmouel s’exclama : « C’est exactement ce que je craignais. Chabbat dernier pour l’Autruf (quand le ‘hatan est appelé a la lecture de la Torah avant de se marier), tous les enfants ont lancé des grains de blé après votre montée a la Torah et certains se sont retrouves coinces dans votre shtreimel!

(C’était la coutume à Jérusalem à cette époque de jeter du blé ou de l’orge sur le ‘hatan pendant l’Autruf en signe de prospérité et de fécondité. De nos jours on jette plutôt des sucreries…)

Rabbi Shmouel sourit et ajouta : « Voila pourquoi il n’y avait du blé que dans votre propre assiette de soupe. Il venait de votre shtreimel ! »

Quand Rabbi Shalom Chwardron racontait cet incident il souriait et disait : «Ceci nous enseigne, bien sûr, qu’avant d’accuser quiconque d’avoir commis un méfait, nous ferions mieux de vérifier notre « propre shtreimel » ! Car la transgression dont nous accusons autrui vient peut être de nous… »

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