HistoiresItshak Nabet

La grande guerre

Les parachiottes que nous lisons pendant le mois d’Elloul évoquent souvent le sujet de la  guerre. Les sages et notamment les Baalé Moussar  virent en cela une allusion à la grande guerre que chaque juif doit mener : celle contre le Yetser Ara, le mauvais penchant. Dans le livre de la paracha du rav Eliahou Hassan sur Vayikra, se trouve cette belle histoire du Rav Zouché qui illustre admirablement cette lutte :

Rabbi  Zouché vécut toute sa vie dans une grande pauvreté. Lorsqu’arriva le moment où sa fille fut en âge de fonder un foyer, il n’avait pas le moindre sou pour subvenir même au strict nécessaire, ses poches étaient vides. Les membres de sa famille l’incitèrent à chercher une solution. Rabbi Zouché savait qu’Hachem lui viendrait en aide, il était mû par une foi à toute épreuve. Un jour il reçut une lettre de son maitre, le Maguid de Mizritch (zatsal), lui demandant de lui rendre visite. Rabbi  Zouché prit la route sans attendre, et se rendit chez son Rav.

Le Maguid lui dit en préambule : « Je sais que tu dois très prochainement marier ta fille, et que tu n’as pas le moindre sou. Tiens ! Voici pour toi 500 roubles et que cela t’aide à trouver un bon ‘hatan (fiancé) pour ta fille. »

Sur le chemin du retour, Rabbi  Zouché se restaura dans une petite auberge, et tout à coup il entendit des cris et des lamentations, il regarda à travers la fenêtre et assista à une scène qui lui brisa le cœur : un ‘hatan venait de rompre son engagement avec une orpheline…

Que s’était-il donc passé?

 Rabbi  Zouché sortit de l’auberge afin de comprendre. Les passants lui racontèrent que la pauvre veuve, maman de la fiancée devait remettre la dot juste avant le mariage, soit 500 roubles qu’elle était parvenue  à amasser après beaucoup d’efforts, seulement…

La somme avait disparu ! Perdue, volée… ?

Le ‘hatan, lui-même orphelin, venait donc d’annoncer qu’il rompait les fiançailles. Les pleurs de la mère allaient en grandissant, associés aux larmes de la jeune fiancée, c’en était trop pour Rabbi  Zouché, son cœur clément s’enflamma et soudain il s’écria au beau milieu de la rue :

« J’ai trouvé l’argent! J’ai trouvé l’argent! »

La joie put se lire instantanément sur le visage de la mère, de la fille, ainsi que de tous les passants. La foule s’attroupa autour du sauveur, et il dit à tous qu’il avait en effet trouvé une importante somme d’argent, il s’agissait à présent de vérifier s’il s’agissait bien de l’argent de la veuve, pour cela il demanda des signes :

Combien de coupures de 10 ? Combien de coupures de 50 ? Etc.

La veuve répondit à toutes ses questions, et Rabbi Zouché déclara qu’il reviendrait dans les 10 minutes avec la somme. Entre-temps il se rendit chez un changeur d’argent, il lui tendit son argent et lui demanda de l’échanger en autant de coupure de 10 et de 50 correspondant au total. Il revint ensuite sur la place, une enveloppe à la main et fièrement il annonça : « Voici l’argent, voici l’argent ! ». Il le tendit à la veuve, celle-ci se mit à compter : 500 roubles exactement, ce qu’elle avait perdu.

Toute l’assemblée applaudit le Rav, une pluie de bénédiction s’abattit sur lui ; puis soudain, Rabbi Zouché fit le silence, et a l’étonnement de tous il demanda…une récompense! Pour avoir retrouvé l’argent: Dix pour cent de la somme!

Toute l’assemblée outrée n’en revenait pas ! Ils avaient tous pensé se trouver face d’un véritable Tsadik, mais en vérité il s’agissait d’un vaurien. Les gens changèrent de visage et n’hésitèrent pas à le molester : « Tu n’as pas honte !… » Rabbi Zouché ne changea pas de position pour autant, et il continua à réclamer son dû ! Les gens de la ville le menacèrent: s’il continuait, ils l’emmèneraient chez le rav de la ville… ce qu’ils firent voyant que le malotru persistait dans sa mesquinerie de demander dix  pour cent !

Le Rav écouta l’histoire et conclut qu’il n’avait aucun droit sur cet argent. On finit donc par lui arracher l’enveloppe des mains et on le jeta de la ville comme un malpropre. Reb Zouché reprit sa route sans un sou pour marier sa fille…

Quelques temps plus tard le Maguid de Mezrich  rencontra le Rav de cette ville où avait eu lieu l’incident, ce dernier voulut le mettre en garde contre un certain individu qui à sa connaissance avait fréquenté le Maguid. Le Rav lui raconta comment cet homme sans scrupules n’hésita pas à vouloir prendre une commission sur la dot de la pauvre orpheline…Le Maguid comprit immédiatement qu’il s’agissait en réalité de Rabbi Zouché, mais il ne comprit pas du tout sa réaction, pourquoi avait-il demandé une commission ?

A la première occasion, il dit à Rabbi Zouché qu’il était au courant au sujet de la veuve, de sa fille et des cinq cents roubles, il y avait pourtant une chose qu’il ne parvenait pas à comprendre, pourquoi après avoir renoncé à tout son argent, bien qu’il en eût un besoin urgent, avait-il gâché  cette extraordinaire Mitsva en demandant une prime?

Rabbi Zouché lui répondit alors : « Lorsque je vis la détresse de la veuve et de sa fille, ma pitié grandit au point d’envahir tout mon être, c’est donc sans la moindre hésitation que je passai à l’acte. Dans la plus grande discrétion je décidai de leur donner toute la somme que je possédais, en faisant croire que je l’avais trouvée. Seulement lorsque je me rendis à l’auberge pour chercher l’argent, un compagnon de route imprévu m’accompagna : Mon Yetser Hara ! Il commença à me murmurer à l’oreille : Reb Zouché ! Qu’est-ce que tu peux être Tsadik ! Extraordinaire ! Y a-t-il dans le monde une personne qui accomplisse une Mitsva d’une telle ampleur ? Non seulement tu renonces à la dot de ta fille, mais en plus tu fais semblant d’avoir trouvé cet argent ! Ah tu m’épates. Je compris qu’il avait l’intention de me faire tomber dans l’orgueil. Je me dis alors que j’allais lui donner une bonne leçon : « Tu vas voir qu’ils vont non seulement prendre tout mon argent, mais ils vont me jeter de la ville comme un malpropre ! »

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