Un petit pas décisif
Dans la ville de Bucarest vivait un juif qui se nommait Félix Strauss. Lorsqu’il était petit, il perdit ses parents et fut recueilli par son oncle. Ce dernier, éloigné de la Torah, éleva son neveu selon les coutumes des non-juifs. A son adolescence, ce dernier apprit, aux côtés d’un commerçant de textile, les ficelles du métier. Après sa formation, il ouvrit une petite mercerie. Son affaire ne cessa alors de se développer. Il agrandit son magasin puis en ouvrit un autre. En quelques années, il posséda le monopole du textile dans sa région.
De nombreux non-juifs le jalousaient et voulaient sa perte. Ils demandèrent au Seigneur local de faire quelque chose contre ce juif qui leur volait leur argent. Malgré les contrôles et les fouilles des autorités roumaines, Félix Strauss s’en sortait toujours indemne. Il n’avait jamais détourné un rouble et payait ses impôts à temps.
« Celui qui possède cent désire deux cents » Disent nos sages. Ce bon Félix ne s’arrêta pas là. Il décida de s’attaquer au marché de l’alcool et ouvrit une taverne au centre-ville. En quelques semaines, la majorité de la cité s’attroupait dans sa taverne qui vendait des boissons de très bonne qualité à des prix imbattables. Cette fois, ce fut la goutte qui fit déborder le tonneau. Les propriétaires des tavernes concurrentes se rassemblèrent chez le Seigneur Ganichovsko afin d’arrêter cet étranger. Celui-ci trouva une solution. Il envoya quelques hommes s’introduire chez Félix afin de dissimuler des documents et des passeports russes dans l’armoire de sa chambre. Le lendemain, la police roumaine débarqua chez lui, trouva les papiers et l’emprisonna pour espionnage.
Après avoir payé une somme colossale, la justice lui donna trois jours pour préparer sa défense sans quoi il serait pendu sur la place publique. Félix sollicita tous les avocats de Bucarest mais aucun n’accepta de plaider sa cause. Un de ses amis lui conseilla d’aller voir un Tsadik, le rav Yossef Meir, auteur du livre Imré Yossef, et qui demeurait à Sfinka. Bien qu’il ne fût pas habitué à demander des bénédictions, ce rav représentait désormais sa dernière chance.
Lorsqu’il passa la porte du Beth Amidrach, tous les Hassidim se tournèrent vers lui et se demandèrent: « Que fait ce non-juif ici »? En effet, Félix ne portait ni kippa, ni tsitsit ni péot. Sans faire cas de leurs regards, il demanda à parler au rav. Les Hassidim le firent entrer et écoutèrent derrière la porte.
Félix raconta au rav toute son histoire, ses réussites et les accusations d’espionnage qui le menaçaient. » J’ai entendu dire que vous faisiez des miracles, je vous en prie: aidez-moi! » implora Félix en sortant son porte-monnaie. Le rav l’arrêta et lui demanda: » Respectes-tu Chabat? »
– Comment pourrais-je faire Chabat? Les Roumains ne pensent pas à l’avenir. Ils reçoivent leur salaire hebdomadaire le Chabat et foncent le dépenser dans mes magasins et dans ma taverne. Si je ferme le Chabat, autant vendre mes affaires. »
-D’accord, alors prends sur toi de manger cachère, répondit le rav avec douceur.
– Je ne veux pas vous mentir Kevod Arav. Je n’ai pas le temps pour trouver de la nourriture cachère! J’achète mon repas là où je me trouve, je ne peux pas faire autrement. »
Les Hassidim qui écoutaient derrière la porte n’en revenaient pas. Comment cet homme pouvait être aussi insolent? Il désire un miracle et n’accepte de faire aucun effort. Le rav qui gardait son calme reprit: » Alors prends sur toi de faire la prière le matin. »
-« M. le rabbin, je me lève avant le jour. Si je veux avoir le temps de visiter mes fabriques de textile et ma taverne, il faut que je saute de mon lit, que je m’habille et que je file de chez moi. Croyez- moi, je n’ai pas le temps pour ça. »
Les Hassidim étaient sur le point d’intervenir lorsque le rabbin dit: » Bon, faisons un marché. Je vais te donner une paire de Téfilines, tu vas me promettre de les mettre tous les jours, même un instant, et je t’arrange ton procès. »
-« Rien qu’une minute…une fois par jour…je vous le promets, M. le Rabbin. » Le rav rempli de joie sortit une sacoche contenant un Talith et des Téfilines. Félix la prit, remercia l’admour et rentra chez lui.
Un an plus tard, un homme d’apparence religieuse pénétra le Beth Amidrach pour voir le Rabi. Les Hassidim entendirent qu’il pleurait et demandait une réparation pour ses fautes. En sortant, il s’assit sur un banc et commença à lire des Téhilim. Un des Hassidim qui avait l’œil aiguisé et une bonne dose de curiosité l’interrompit: » N’es-tu pas le marchand de Bucarest, Felix Strauss? »
– » Effectivement, c’est bien moi. Sauf qu’aujourd’hui les gens m’appellent Pinhas. » Les Hassidim se rassemblèrent autour de lui pour lui dire Chalom et écouter son histoire. » Que s’est-il passé avec ton jugement? »
– « J’ai trouvé un avocat qui a su casser toutes les accusations des procureurs et j’ai été acquitté contre toute attente. »- » Comment es-tu parvenu à un tel changement? »
– » La vérité, c’est grâce à mon oncle. Celui-ci était très éloigné de la Torah mais il ne supportait pas le mensonge. Celui qui s’amusait à déformer la vérité prenait une tannée. Ainsi, j’applique à la lettre tout ce qui sort de ma bouche. Je commençai donc à mettre les Téfilines du rav tous les jours. Après quelques semaines, je me suis dit que si déjà je mettais mes Téfilines, je pourrais bien dire une petite prière pour remercier Hachem du miracle qu’Il fit pour moi. Et je rajoutai donc quelques mots. Ensuite j’ai pensé: puisque je prie, pourquoi ne pas le faire comme un bon juif à la synagogue avec dix hommes? Ainsi je côtoyai quotidiennement la maison de prière de mon quartier. Avec le temps, je ne supportais plus l’idée de travailler à Chabat, je décidai donc de tout fermer le samedi. J’arrêtai ensuite de manger non cachère…et me voici aujourd’hui.
Nous devons retirer une leçon importante de cette histoire. Très souvent, nous prenons à Yom Kippour ou Roch