La paracha de la semaine, Béhar, parle essentiellement des lois liées à la Chmita et au Yovel. Comme vous le savez, la Torah ordonne de laisser la terre d’Israël en jachère tous les sept ans, lorsqu’il y a le Beth Amikdach. Ainsi, il est interdit de planter, de récolter, de vendre les fruits de la septième année… La fin de notre paracha nous enseigne de nombreuses lois qui concernent les relations entre l’homme et son prochain: » Si ton frère devient pauvre, aide-le à se relever afin qu’il vive avec toi. Lorsque tu lui prêtes de l’argent, ne prends pas d’intérêt, afin que ton frère vive avec toi… Et s’il en vient à se vendre en tant qu’esclave, considère- le comme en employé avec toi. » De nombreux commentateurs s’étonnent face à cette redondance de la Torah. En effet, les mots « avec toi » qui sont répétés à trois reprises semblent superflus. Alors quel message veut-on nous transmettre ici?
Les maîtres du Moussar, de la morale, et notamment le Saba Mikellem, disent que ce qui distingue le Tsadik du Racha réside dans la force de l’imagination. En effet, les deux savent qu’après 120 ans, il y aura un jugement, des punitions et des récompenses. Alors pourquoi l’un accomplit-il les Mitsvot et l’autre pas? Chez le Tsadik, la vision de la récompense et de la punition est telle qu’elle l’empêche de fauter, comme il est écrit dans les Pirké Avot « Regarde ces trois choses et tu ne fauteras pas: d’où tu viens, où tu vas aller et face à qui tu va rendre des comptes… » Il ne suffit pas de savoir que l’on va quitter ce monde et être jugé, il faut le voir, se l’imaginer. Hachem a mis en l’homme une force incroyable qui est l’imagination. Grâce à elle, nous pouvons voir le monde futur et devenir Tsadik, ou se prendre pour Superman ou James Bond et sortir de ce monde.
Le Ben Ich Haï raconte qu’il était un roi qui avait un fils unique. Lorsque celui-ci commença à grandir, il prit le meilleur professeur pour lui apprendre les coutumes et les mœurs de la royauté, l’économie et l’art de la guerre… Après quelques mois, le fils rentra chez lui avec un diplôme de futur Roi. Le père, fou de joie, organisa une fête en cet honneur. A la fin de celle-ci, le professeur alla voir le roi et lui demanda qu’il lui emmène son fils pour la dernière séance du cursus. Le lendemain, le fils se rendit chez son tuteur. Celui-ci lui demanda de serrer les mains, et les lui attacha. Puis de serrer les jambes, qu’il ficela comme un gibier. Ensuite, il prit un bâton et commença à le rouer de coups. Après avoir été détaché, le prince rentra chez lui. L’enfant raconta à son père ce qui s’était passé. Le roi, plein de rage en voyant les plaies de son fils, envoya ses gardes chercher le professeur. Il lui montra l’ordre qu’il avait donné de le tuer et lui demanda, auparavant, des explications.
» Votre Majesté, comme vous le savez, depuis des mois je fais tout mon possible pour préparer votre fils au pouvoir. Seulement, lorsqu’il devra décider combien de coups de bâton il devra infliger au voleur ou au rebelle, comment saura-t-il mesurer justement les punitions à administrer s’il ne connait pas les souffrances que le bois peut engendrer? Pour qu’il puisse juger correctement, il devait ressentir la douleur d’une plaie. »
La Torah, dans notre paracha, nous avertit. « Lorsque tu vois ton frère en difficulté et que tu dois l’aider, lui faire un prêt ou le prendre comme serviteur, prends conscience de la souffrance qu’il ressent. Imagine que tu es à sa place, qu’il est avec toi. Comment aurais-tu voulu que l’on t’aide? Comment aurais-tu désiré que ton patron te parle? Ce n’est que si tu arrives à te mettre à sa place que tu pourras l’aider convenablement. »
On raconte que le rav Arié Lévine se rendit une fois chez le médecin avec sa femme qui souffrait de la jambe. Lorsque celui-ci leur demanda le but de leur visite, il répondit: « nous souffrons de la jambe ». « Mais qui est le patient? » reprit le médecin. » C’est ma femme! Mais nous souffrons tous les deux. » Comme nous l’avons dit, Hachem nous a fait un cadeau très précieux: l’imagination. Il est important de s’en servir pour ressentir le mal-être de nos semblables. Lorsque nous voyons des personnes confrontées à des difficultés financières, médicales, psychologiques ou sociales, nous devons nous imaginer: « comment aurais-je voulu qu’on agisse avec moi si j’avais été cette place? Combien une visite à l’hôpital m’aurait fait plaisir? Un sourire, une parole chaleureuse ou une aide financière… La Torah nous montre le chemin afin de devenir meilleur. Ce n’est qu’en ressentant la douleur de l’autre que nous pouvons l’aider sincèrement avec dignité.
Sachons, chers amis, comprendre et nous imprégner de la force de ces propos, que nous pourrons méditer lors du prochain Chabat que nous vous souhaitons reposant et édifiant.
A partir d’une dracha du rav Eliahou Abergel chlita.