Histoires

La grandeur de céder

Comme vous le savez, un des conseils pour sortir vainqueur du Grand jugement est de passer l’éponge et de pardonner aux autres. Nos sages enseignent qu’Hachem se comporte avec nous, de la façon dont nous agissons avec autrui. En outre, il bon de comprendre que celui qui cède pour préserver la paix est toujours récompensé, comme le montre cette belle histoire du livre de Haim Walder : Histoires vécues 1

Mon récit commence et s’achève dans l’immeuble où j’habite. C’est au prix de grands efforts et grâce à une aide de D. particulière que j’y ai acheté l’appartement que j’occupe il y a quelques années. J’exerce d’ailleurs, une profession qui me demande beaucoup de déplacements en voiture, j’ai acheté en même temps, pour une somme rondelette, un parking facilement accessible juste devant l’immeuble.

Pendant huit ans, c’est dans ce parking que je me suis garé et tous les voisins savaient que ce parking m’appartenait. Un jour, un de mes voisins, un homme discret et sympathique, est venu me trouver. Au départ, m’a-t-il expliqué, il avait pensé m’informer que l’emplacement sur lequel je garais ma voiture lui appartenait mais, n’ayant pas de véhicule, il n’avait pas jugé utile de le faire. A présent qu’il avait acheté une voiture, il me demandait de me garer dans le parking commun à tous les résidents, sous le bâtiment.

« Vous faites erreur cher monsieur, lui ai-je répondu. Cet emplacement m’appartient. Je l’ai payé.

-Moi aussi, je l’ai payé.

-J’ai des preuves et vous ?

-Bien sur. J’ai un document prouvant que je l’ai acheté, avec un plan détaillé.

-C’est vraiment curieux .Moi aussi, j’en ai un. »

Nous avons décidé de comparer nos documents. Le même soir, mon voisin est monté chez moi pour me montrer son plan tandis que je lui montrais le mien. A notre stupeur, nous avions reçu le même document…

On pouvait lire dans chacun de nos yeux, la même exclamation indignée : Celui qui nous a vendu ce parking est une fripouille !

« Cela ne lui ressemble pas… » Avons-nous alors tous les deux déclaré.

C’était impossible. L’entrepreneur qui nous avait vendu nos appartements était d’une honnêteté peu commune. Nous ne pouvions l’imaginer capable d’une telle crapulerie. Nous avons décidé d’aller lui demander des explications.

Nous lui avons montré les deux documents. Très surpris, il les a examiné et, tout à coup, a confirmé que nous avions raison.

 » Je suis désolé, nous a-t-il dit. Regardez le plan: vous voyez que le parking, ici, semble plus large qu’il ne l’est en réalité. J’avais pensé faire deux parkings mais l’ingénieur m’a obligé à mettre ici-et nous l’a montré du doigt- un pilier de soutènement. Cela m’a obligé à supprimer un parking. J’ai complètement oublié que j avais l’intention de faire deux parkings, et j’ai mis le pilier. J’étais occupé à vendre les appartements, les garages et les entrepôts, et ces quelques mètres disparus me sont totalement sortis de la tête. Mais ne vous en faites pas: je rembourserais celui qui a été lésé.

La question qui se pose à présent, c’est de savoir lequel de vous deux est prêt à renoncer à l’emplacement réservé… »

J’ai regardé mon voisin. « Barouh Hachem, lui ai-je dis. Le problème est réglé. L’entrepreneur est-il prêt à vous rendre votre argent, et tout rentrera dans l’ordre.

– Je suis désolé, a-t-il répondu, mais l’argent ne m’intéresse pas. J’ai besoin du parking.

-Moi aussi. Pourquoi devriez- vous avoir la préférence ?

Nous avons commencé à discuter.  » essayons de trouver une solution, m’a dit mon voisin. Il serait dommage de nous disputer.”

-Pourquoi ne pas faire un din torah alors ? Ai-je dit.

-Ecoutez, m’a-t-il dit les larmes aux yeux, de toute ma vie je n’ai jamais fait de din torah et je n’ai pas envie de commencer. J’ai besoin de ce parking. Entre temps, a-t-il soupiré, continuez à vous garer sur cet emplacement .Je vais réfléchir  pour décider si cela vaut la peine de faire un din torah pour cela.

Toute cette affaire m’a mis mal à l’aise. Je me suis senti touché par le désir de mon voisin d’éviter un din torah mais j’étais dans la même situation que lui, et mon travail m’obligeait à me garer facilement. Je ne pouvais me résoudre à me garer au sous-sol.

Je suis retourné chez l’entrepreneur pour voir ce qu’il pouvait me proposer.

« Ecoutez, m’a-t-il dit votre voisin a sans doute vraiment besoin de ce parking. Ce n’est pas pour rien qu’il a acheté une voiture. »

Il ne m’a donné aucune explication précise mais, entre les lignes, j’ai compris qu’il s’agissait de raisons médicales.

« Cédez-lui l’emplacement, m’a dit l’entrepreneur. Je vous dédommagerai.

– En espèces ?

-En fait, je ne suis pas en mesure de vous donner de l’argent maintenant à moins que vous ne m’y obligiez. Mais il y a un espace inutilisé sous le bâtiment, juste a cote du parking et je veux bien vous le céder.

Je savais de quoi il parlait. C’était un petit réduit de quelques mètres carrés. C’était loin de constituer une compensation pour la perte du parking…Je le lui ai dit.

« Vous avez raison, m’a-t-il répondu, mais c’est tout ce que j’ai a vous proposer dans cet immeuble. Si vous insistez je vous rembourserai pour le parking mais j’ai investi tous les fonds dont je dispose dans un nouveau projet, et je n’ai pas d’argent pour le moment. Je vous demande d’accepter cette compensation. »

Je lui ai dit que j’allais réfléchir.

Toute la nuit je n’ai pas dormi ou plus exactement je suis resté réveiller sur ce problème. J’ai lutté entre le désir de conserver mes aises sur un emplacement que j’avais acheté en espèces sonnantes et  trébuchantes, et entre les larmes aperçues dans les yeux de mon voisin et la requête de l’entrepreneur.

Le matin, j’ai annoncé ma décision à mon épouse. Elle m’en a chaudement félicité. J’avoue que s’il me restait encore quelques doutes, son soutien les a dissipés. C’est à ce propos qu’il est dit « La sagesse d’une femme construit sa maison ».Vous allez voir bientôt à quel point.

Je suis allé donner mon accord à l’entrepreneur, et nous avons signé un contrat faisant de moi le propriétaire légal de tout l’espace non utilisé à partir du mur ouest du bâtiment.

Je suis alors retourné chez mon voisin pour lui annoncer qu’à dater de ce jour, le parking lui appartenait. Il m’a profusément remercié.

Je me suis habitué à me garer sous l’immeuble et pendant assez longtemps, je n’ai rien fait du petit réduit que j’avais reçu.

Il y a six mois, j’ai décidé de voir ce que je pouvais en faire. Avec mon fils, nous avons effectué une ouverture dans le mur du réduit .Un espace de 90 mètres carrés m’est alors apparu. Pour une raison ou une autre, tout ce terrain était resté inutilisé. J’ai pris une profonde inspiration.  J’étais tout excité. Je voyais déjà, en imagination, comment en faire un petit appartement etc.

Les jours suivants, j’ai vérifié la « halakha » (loi) au sujet de l’espace que j’avais découvert. Le contrat stipulait que « tout l’espace non utilisé à partir du mur ouest du bâtiment » m’appartenait : le terrain était a moi sans contestation.

En deux mois, j’y ai construit un appartement de trois pièces que je loue à présent à un prix tout à fait raisonnable.

Le message de ce récit est que Celui qui cède et qui donne n’y perd finalement JAMAIS, même si le happy end n’arrive pas aussi rapidement que dans ce récit. La haine gratuite détruit mais la générosité transforme la peine et le chagrin en réussite, et l’affliction en jubilation.

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