Lois du ChabatYossef Rozenberg

Mouktsé: Déplacer un Kéli chémélakhto léissour (cours n°2)

par Yossef Rozenberg

Déplacer un  Kéli chémélakhto  léissour
pour une utilisation autorisée, « létsorekh  gouffo »

Comme mentionné plusieurs fois, un   Kéli  chémélakhto  léissour (voir premier chapitre du sujet pour la définition de ce dernier) est une exception dans les lois de  mouktsé. Nous pouvons en effet le déplacer pour deux buts:

1- Premièrement, lorsque on le déplace « létsorekh  gouffo », textuellement  « pour un usage de l’objet ».

2-En second lieu, lorsque c’est « létsorekh  mékomo » textuellement « pour son espace ».

Nous allons traiter à présent des limites de l’utilisation d’un Kéli  chémélakhto  léissour  pour un but  autorisé  pendant  chabbat.

L’exemple mentionné dans le talmud est l’utilisation d’un marteau pour casser des noix. Un autre exemple courant serait des ciseaux pour couper des aliments ou un filet qui emballe de la nourriture. Tels les filets qui entourent les rôtis. Autrement, il sera interdit de couper des fils à cause d’autres interdits des lois de  chabbat.

Pourra-t-on utiliser un Kéli  chémélakhto  léissour  si on a le choix de se servir d’un objet non  mouktsé  pour le même but?

Dans le cas où on désire casser une noix et où l’on dispose aussi bien d’un marteau que d’un casse noix,les avis des décisionnaires divergent.

Selon le  Michna  Berroura, lorsqu’on a la possibilité de se servir d’un objet qui n’est pas   mouktsé, on ne pourra pas se servir du  mouktsé.

Le  Yalkout  Yossef  écrit en revanche qu’on pourra utiliser le  Kéli  chémélakhto léissour  même dans cette configuration.

L’explication  de leur désaccord est la suivante. Le  Michna  Berroura pense que l’autorisation de »létsorekh  gouffo » est « dekhouia », textuellement ‘repoussé’. C’est-à-dire que ce n’est en réalité pas une autorisation formelle. Mais un cas de force majeure dans une situation de non -choix. Où l’interdit de mouktsé est momentanément repoussé. Nos sages, lors de l’institution des lois de  mouktsé, ont laissé une exception pour utiliser ce  mouktsé en cas de besoin. Et ce uniquement si on n’a pas d’autre possibilité. On ne pourra donc l’utiliser que s’il n’ y a pas d’autre alternative.

Le  Yalkout  Yossef, en revanche,prouve du  Choulkhan  Aroukh  que l’autorisation  mentionnée est « houtra », textuellement ‘permise’. C’est-à-dire que dans les cas ci-dessus de « létsorekh  gouffo », l’interdit de mouktsé  ne s’applique plus du tout. Il sera par conséquent permis d’utiliser le  mouktsé  même quand on peut trouver une alternative.

En pratique

– Le  Igrot  Moché  tranche que même selon l’avis du  Michna  Berroura,s »il est difficile de trouver un objet non  mouktsé  pour subvenir à notre besoin, il sera permis d’utiliser l’objet  mouktsé. Par exemple, dans un cas où il faut aller chez un voisin pour trouver un casse-noix, il sera permis d’utiliser un marteau. Cette  Halakha  s’appliquera pour les   ashkénazes.

– Les séfarades pourront se conduire selon l’avis du  Yalkout  Yossef qui appuie sa position par plusieurs preuves provenant de nombreuses sources. On pourra donc utiliser un  Kéli  chémélakhto  léissour pour un but autorisé. Même si une alternative est existante.

♦  Peut-on déplacer un  Kéli  chémélakhto  léissour  pour une utilisation permise si notre intention essentielle est de le protéger?

Comme nous l’avons établi auparavant, un  kéli  chémélakhto  léissour  peut-être déplacé pour une utilisation permise « létsorekh  gouffo ». Mais ne peut pas être déplacé pour sa propre protection. Nous pourrons donc déplacer un marteau pour casser des noix mais nous ne pourrons pas le déplacer s’il se trouve dans un lieu où il risque d’être volé.

La question qui se pose est de savoir si on pourra déplacer un  mouktsé  pour le protéger. Et,uniquement pour la formalité, l’utiliser pour un but permis.

Le  Magen  Avraham écrit la  halakha  suivante au nom du  yerouchalmi. Dans le cas où nous avons, par exemple, un marteau qui se trouve dans un endroit exposé,et où nous avons peur que quelqu’un le prenne ou qu’il s’abîme. On aura le droit d’en faire un usage quelconque, comme casser une noix,pour pouvoir le déplacer ensuite vers un endroit protégé. Bien que nous n’ayons pas réellement besoin de cet usage et que l’essentiel de notre intention soit la protection de l’objet.

La raison de cette loi est que  mouktsé  est une loi instaurée par nos sages (dérabanane). Par quelques reprises de certaines lois dérabanane, il sera permis de contourner la loi par une astuce (haarama). Ceci étant puisque l’essentiel de la mise en place de ces lois est de nous éloigner de différents interdits (voir deuxième et troisième chapitre de l’introduction aux lois de  mouktsé).   Or en restant dans les limites de ce que nos sages ont permis ou interdit, nous ne risquons pas de transgresser d’autres lois.

Attention- le recours à l’astuce (haarama) n’est autorisé que dans les cas où il est écrit explicitement qu’on a le droit de l’appliquer. Ces cas sont peu nombreux. Ils ont été délimités et évalués par nos sages pour qu’ils n’engendrent pas de risques de dérapage vers d’autres interdits.


 

Déplacer un Kéli chémélakhto léissour quand il se trouve sur un espace dont on a besoin « létsorekh mékomo »

 

Comme expliqué dans le premier chapitre du sujet, on a le droit de déplacer un Kéli  chémélakhto léissour lorsqu’il se trouve sur un espace dont on a besoin. Ceci est la particularité de cette catégorie de mouktsé. On pourra déplacer ces objets  « létsorekhgouffo »  ou bien « létsorekh mékomo ».

Définir et délimiter l’autorisation de déplacer ces  mouktsés  pour l’utilisation de leur espace « létsorekh  mékomo »

1.   Quand pourra-t-on déplacer un  Kéli  chémélakhto  léissour  s’il se trouve sur un espace dont on a besoin?

Lorsque, par exemple, un stylo, un briquet ou un autre Kéli  chémélakhto  léissour  se trouvent sur une table ou un lit… Si on a besoin de ce lit ou de cette table,on aura le droit de retirer l’objet en question afin de profiter pleinement de toute la surface du lit ou de la table.

Il en va de même pour le plan de travail d’une cuisine, une chaise, ou une étagère. Si un  Kéli  chémélakhto  léissour  se trouve sur les surfaces citées,et qu’ on désire utiliser l’espace où se trouve l’objet,on pourra le retirer pour le déplacer. (Nous verrons par la suite qu’on pourra le déposer où bon nous semble une fois que l’objet se trouve dans nos mains)

  2.   A-t-on le droit de déplacer celui-ci si nous avons un espace alternatif que nous pouvons utiliser?

Nous avons vu deux avis sur un sujet similaire  (voir le titre: « utilisation permise d’un Kéli chémélakhto  léissour »).

Selon le  Michna  Beroura,la permission de déplacer un Kéli  chémélakhto   léissour  »   est une permission « repoussée ». En revanche, le  Yalkout  Yossef  prouve qu’elle est « permise ». D’après le  Michna  beroura, on pourra donc le déplacer pour sa surface uniquement s’il n’y a aucune autre alternative. Les Ashkénazes se conduiront ainsi. Les Séfarades pourront s’appuyer sur la décision du Yalkout  Yossef  d’autoriser ce déplacement. Et ce même s’il est dans nos moyens de trouver une surface alternative. (Pour mieux comprendre ce passage, il est fortement conseillé de voir le chapitre mentionné)

Pourra-t-on déplacer celui-ci si notre seul souci  est que sa présence nuit à l’aspect rangé et esthétique de la pièce?

Dans un cas où nous avons, par exemple, un outil de bricolage au milieu de la salle à manger alors que des invités doivent venir…Aura-t-on le droit de déplacer celui-ci si l’unique désagrément qu’il nous pose est l’aspect désordonné  de la chambre?

La plupart des décisionnaires (Rav  Moché  Feistein,  chmirat  chabbat  kehilkhata, et ainsi il sort de l’avis du  Rachba  et du  Meiri) sont d’avis qu’il est interdit de le déplacer. Ceci étant car l’autorisation de  « létsorekh  mékomo » est à prendre au pied de la lettre. Pour l’utilisation directe de son espace, d’autres  Rabbanims  (Rav Chlomo Zalman Auerbakh, Yam issakhar)pensent qu’il est permis de le déplacer dans le cas mentionné ci-dessus.

En pratique

Il vaut mieux éviter de déplacer le  Kéli  chémélakhto  léissour  si notre seul but est l’amélioration du rangement. Cependant, on pourra procéder à toute utilisation permise avec l’objet. Pour ne pas le déplacer en vain (voir chapitre précédant), en cas de grande nécessité, on s’appuiera sur l’avis des décisionnaires autorisant le déplacement en question.

Déposer un  Kéli  chémélakhto  léissour  à sa place,
une fois qu’on l’a pris pour un but autorisé

 

Dans les deux chapitres précédents, nous avons vu certaines des conditions dans lesquelles nous pouvions déplacer un  Kéli  chémélakhto  léissour.

La question qui se pose à présent est de savoir si nous pouvons déposer l’objet se trouvant dans nos mains là où on le désire.

Sommes-nous limités à poser le  mouktsé aussitôt qu’on a fini d’en avoir l’usage souhaité? Par exemple, si on prend un marteau pour casser une noix ou une allumette pour se curer les dents,devra-t-on les reposer aussitôt l’usage terminé ou bien pourrons- nous prendre le temps de reposer l’objet à sa place initiale?

Il en va de même avec l’autorisation de « létsorékh  mékomo » dans un cas où, par exemple,nous avons un stylo sur un lit. Ou bien un marteau sur une table. Il sera effectivement autorisé de le déplacer, mais pourrons- nous le déplacer jusqu’à l’emplacement de notre choix? Ou bien devrons-nous le poser aussitôt l’espace libéré?

Réponse-    Le  Choulkhan Aroukh  tranche qu’il sera permis de déposer l’objet, une fois qu’il se trouve dans nos mains, là où bon nous semblera.

Pourra-t-on adopter cette  halakha  dans un cas où, par mégarde, on a pris un  mouktsé  dans nos mains,sans les conditions autorisant son déplacement?

Si, par exemple,on a oublié qu’un objet quelconque était  mouktsé,et qu’en conséquence, on l’a pris dans la main,sera-t-il permis de le poser à présent où bon nous semble?

Selon le  Magen  Avraham,même dans ce cas, il sera permis de poser l’objet à sa place ou bien là où on le désire.

Le  Gaon  de  Vilna,en revanche, pense que l’autorisation est uniquement valable lorsque l’objet est venu dans nos mains de façon permise. Si l’objet a été pris de manière non intentionnelle, et non dans le cadre d’une permission hilkhatique, on devra le reposer aussitôt qu’on le pourra.

Cette question consiste à étudier l’autorisation mentionnée plus tôt. Est-ce que la permission de poser le  mouktsé  où bon nous semble vaut parce que l’interdit de  mouktsé  est uniquement de prendre celui-ci en main? Mais une fois en mains, l’interdit de  mouktsé  n’a plus lieu.

Ou bien la permission ci-dessus ne vaut-elle que dans les cas où le  mouktsé  a été pris de façon autorisée? Là, nos sages ont étendu cette permission pour pouvoir permettre de poser l’objet à sa place. Mais lorsqu’on a pris un objet mouktsé  à cause d’un oubli, il sera interdit de le poser à sa place.

En pratique:   le  Michna  berroura  et le  Yalkout Yossef  tranchent tous les deux dans le même sens que le  Magen Avraham.

Cette permission s’applique-t-elle dans toutes les catégories de  mouktsé?

Cette question se pose uniquement selon l’avis du  Magen  Avraham. Car,selon le  Gaon  de  Vilna, il n’existe de toute façon aucune autorisation de prendre ces  mouktsé.

La plupart des  Hakharonim  disent que cette autorisation s’applique uniquement dans notre catégorie de  Kéli chémélakhto  léissour.

Cependant, certains pensent qu’il sera permis d’appliquer cette  halakha  dans toutes les catégories de  mouktsé. Dans un cas de grand besoin, on pourra s’appuyer sur ces avis.

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